Nutriments et vieillissement cognitif
Si les recherches autour des effets bénéfiques de certains nutriments sur le cerveau vont bon train, le mot d’ordre reste, aujourd’hui encore, d’adopter une alimentation équilibrée.
Le vieillissement de la population, et notamment le vieillissement cérébral pathologique, est actuellement un enjeu de santé publique. À ce titre, l’alimentation fait partie des nouvelles pistes de recherche pour le « mieux vieillir » du cerveau et retarder le développement d’altération de la cognition des personnes âgées. Certes, il n’existe pas de nutriment « miracle » pour le cerveau, mais les études les plus récentes s’accordent néanmoins pour reconnaître qu’une alimentation variée et équilibrée peut favoriser une synergie entre nutriments capable de freiner le vieillissement des fonctions cérébrales chez les seniors.
De l’importance de l’association alimentation & mode de vie
Aussi prometteuses que puissent sembler certaines de ces pistes, le mot d’ordre reste, aujourd’hui encore, celui d’une alimentation saine et équilibrée. Comme l’a montré l’essai randomisé Predimed, l’alimentation méditerranéenne semble ainsi permettre de prévenir le risque de vieillissement cognitif prématuré. Il en va de même avec d’autres régimes, tel que DASH ou « Mind diet ». Au-delà même des effets potentiels de l’alimentation, c’est aussi son association avec le mode de vie qui est étudiée. L’un des premiers essais d’intervention dite « multidomaine » — baptisé MAPT, pour Multidomain Alzheimer Preventive Trial — a ainsi été mené par les équipes du Gérontopôle de Toulouse sur pas moins de 1680 personnes âgées, bénéficiant, outre de conseils sur le plan nutritionnel et sur la pratique d’activité physique, de séances d’entraînement cognitif. Aux côtés d’autres essais du même type (FINGER, PreDIVA) ce travail a ainsi apporté les premiers indices de l’efficacité de ces approches multidomaine, que d’autres essais visent aujourd’hui à confirmer (WW-FINGERS, Pointer, etc.).
Des nutriments « cibles »
Les nutriments n’ont toutefois pas dit leur dernier mot et certains apparaissent même essentiels en matière de prévention du vieillissement cognitif. Un programme pilote a ainsi été lancé il y a deux ans par la PME Activ’Inside, en collaboration avec les laboratoires NutriNeuro et Bordeaux Population Health, ainsi qu’un consortium d’industriels. Son nom : Silver Brain Food. Le projet vise à développer des solutions pour accompagner les séniors dans la prévention du déclin cognitif grâce à une alimentation riche en nutriments essentiels à la santé cérébrale. « Silver Brain Food est un très gros projet qui associe épidémiologie, recherche pré-clinique et clinique, avec l’idée de mieux caractériser les effets de nutriments cibles, leurs combinaisons, mais aussi d’étudier la question de la prévention versus la correction », décrit ainsi la directrice du laboratoire NutriNeurO Sophie Layé. Une partie des recherches s’était déjà tournée, il y a quelques années, vers la compréhension de l’importance de la nutrition lipidique. Des apports importants en acides gras poly et monoinsaturés auraient ainsi un effet protecteur contre le déclin cognitif. De même, les micronutriments au pouvoir antioxydant (la vitamine E, la vitamine C, les caroténoïdes et les cofacteurs enzymatiques de la superoxyde dismutase et de la glutathion synthétase) pourraient eux aussi avoir une activité neuroprotectrice.
Quid des vitamines du groupe B ?
On sait aussi désormais que le DHA, principal oméga-3 présent dans le cerveau, joue un rôle essentiel dans sa physiologie et ce, notamment, en s’incorporant dans les membranes de certaines cellules (neurones, cellules gliales) contribuant ainsi activement à leur fonctionnement. Problème, pour rappel, le DHA n’est pas originellement présent dans l’organisme et ne peut être apporté que via l’alimentation. Il en existe en effet deux sources : les poissons gras, mais également la transformation dans l’organisme de l’acide alpha-linolénique issu d’huiles végétales (lin, noix, colza…). Enfin, les études les plus récentes tendent à montrer que les vitamines B9, B6 et B12 travaillent de concert pour aider à prévenir le déclin mental, mais également la démence. L’une d’entre elle, réalisée à l’Université d’Oxford, révèle ainsi que la prise simultanée de B6, B12 et d’acide folique réduit l’atrophie cérébrale et optimise les fonctions cognitives. Ces vitamines auraient par ailleurs pour effet de renforcer les parties du cerveau les plus concernées par la maladie d’Alzheimer. Mais aussi intéressants soient ces premiers résultats, il semble indispensable de mener d’autres études prospectives afin de mesurer notamment l’impact des déterminants sociaux classiques (culture régionale, niveau d’éducation, etc.) au niveau de la corrélation facteurs alimentaires / fonctions cognitives chez le sujet âgé.
Les vitamines B et l’alimentation intuitive
Le groupe des vitamines du groupe B réunit 8 molécules ayant des points communs : elles agissent au niveau du métabolisme des cellules, de l’immunité et du système nerveux. Un état de subcarence est associé à une fatigue intellectuelle ou physique. Les carences sont rares car les vitamines B sont présentes dans de nombreux aliments. Les omnivores, flexivores, végétariens ne manqueront donc pas de vitamines B tant que leur alimentation restera variée, c’est-à-dire piochant dans tous les groupes d’aliments. Les végétaliens en revanche, en excluant tous les aliments d’origine animale savent qu’une supplémentation en vitamine B12 est recommandée. Un autre groupe de mangeurs est aussi concerné par un éventuel déficit, ce sont les femmes enceintes à qui il est recommandé d’être vigilantes sur leurs apports en acide folique ou vitamine B9. Ceux-ci sont particulièrement présents dans les légumes feuilles (folique/ feuille), les folates jouant un rôle dans le processus de division cellulaire. Manger de tout, suivre les recommandations en nutrition, reste le meilleur moyen d’assurer une bonne couverture vitaminique. Choisir un régime excluant un groupe alimentaire nécessite de l’évoquer avec les professionnels de santé afin qu’ils puissent en tenir compte dans l’établissement des diagnostics et les traitements.
Anne Béraud, diététicienne, nutritionniste