Journée annuelle Benjamin Delessert 2023
Pour son traditionnel rendez-vous annuel, l'Institut Benjamin Delessert (IBD) proposera, le 3 février 2023, une matinée de réflexion sur un thème marquant de notre siècle : celui des choix alimentaires. Le sujet laissera place, l'après-midi, à des questions plus pratiques autour de la prise en charge nutritionnelle, comme nous le dévoile Claude Fischler, Président du comité scientifique de l'IBD, sociologue spécialiste de l'alimentation et directeur de recherche CNRS.
La crise du Covid n’étant toujours pas tout à fait derrière nous, pour quel format avez-vous opté à l’occasion de cette Journée annuelle Benjamin Delessert (JABD) 2023 ?
Nous avons choisi de proposer systématiquement désormais un format hybride. Ce mode mixte semble en effet de plus en plus s’imposer d’un point de vue général. Nous proposerons donc un format analogue à celui de l’année dernière, en espérant pouvoir accueillir un maximum de personnes en présentiel ; mais également en ligne, car cela permet aux participants éloignés de prendre part plus facilement à l’événement.
Quelle sera la thématique de la première partie de journée ? Quels seront les différents sujets abordés autour de cet axe central ?
Il s’agira d’un thème que nous avons déjà, d’une certaine façon, traité par le passé : comment modifier ou améliorer les comportements alimentaires pour des raisons de santé, mais aussi d’environnement. Tout cela se fait toutefois dans un contexte encore peu abordé, celui d’un processus qui semble inéluctable : une individualisation du rapport à l’alimentation. D’où l’introduction que j’ai prévue en début de journée, intitulée « De la norme aux choix ».
Dans les systèmes alimentaires traditionnels, les individus sont contrôlés par des comportements collectifs : usages, normes, traditions… On peut par exemple citer le repas du midi : à 13h, un français sur deux est en train de manger. L’heure du déjeuner est un rituel social, une sorte d’institution collective à laquelle une grande proportion de la population était habituée à se conformer sans même y penser. Un changement est toutefois en train de s’opérer depuis quelque temps : l’acte alimentaire devient de plus en plus la responsabilité de chaque individu. Le mot qui triomphe maintenant est donc celui du choix. Vis-à-vis de la norme, c’est un poids nouveau, de plus en plus lourd sur les épaules du sujet. Nous étions, jusqu’à une période récente – disons les 50 dernières années – gouvernés par les règles de l’hospitalité : nous acceptions de manger ce qu’un hôte nous avait préparé, en lui témoignant ainsi notre confiance dans une relation réciproque. Maintenant, de plus en plus, l’individu se sent légitime à exiger que l’on se plie à sa demande : régime sans gluten, végétarien etc. Nous allons donc tenter de répondre à ces questions : qu’est-ce que cela pose comme problèmes et comment peut-on intervenir ?
Sandrine Monnery-Patris nous parlera ainsi de la façon dont les choix alimentaires de l’enfant se construisent ; le psychologue Pierre Chandon nous proposera un point autour du concept de « nudge », qui a fait florès et consiste à disposer les choses de manière à favoriser les choix les plus bénéfiques aux individus, tout en laissant ceux-ci libres en dernier ressort. On peut ainsi citer l’exemple des fruits placés au premier rang des desserts dans les cantines, afin d’encourager les enfants à les consommer.
Pascale Ezan évoquera ensuite un sujet très important, celui de l’influence des réseaux sociaux sur les choix alimentaires, notamment la préoccupation pour l’alimentation « healthy ». Ces trois sujets amèneront probablement beaucoup de questions et de discussions. Après une courte pause, nous aurons l’intervention d’une sociologue, Julia Bardes, qui discutera de la question des inégalités sociales en matière d’alimentation et des connaissances de base que la population peut avoir sur des questions de santé, qu’elle appelle la littératie en santé, c’est-à-dire le fait de construire une compétence de base en matière de santé en général et d’alimentation en particulier. Ensuite, le Docteur Frédéric Dadoun, membre du Conseil scientifique de l’IBD, va élargir cette question en interrogeant le sujet de l’éducation thérapeutique, qui consiste à augmenter le niveau de littératie nutritionnelle.
La fin de matinée sera également consacrée à la remise du prix Benjamin Delessert. Qui en sera le lauréat ?
C’est Luc Pénicaud, un physiologiste extrêmement reconnu. À cette occasion, il nous parlera de la détection des nutriments. Pour comprendre le comportement alimentaire, il faut en effet comprendre la mécanique métabolique et sa régulation : comment fonctionne la détection des nutriments, quels en sont les capteurs… ?
Quel sera ensuite le programme de l’après-midi ?
L’après-midi est traditionnellement consacrée à des aspects plus pratiques. Il y aura toutefois du nouveau : nous avons inclus la présentation des Prix projets de recherche dans le programme de l’après-midi.
Ensuite, trois sujets seront abordés : celui des nouvelles recommandations en matière de nutrition et rhumatismes inflammatoires, puis celui des effets de la nutrition sur la santé du cerveau et enfin un point sur le NASH, la maladie dite « du foie gras ».
Pour conclure, je suis assez content de ce programme… Il est en effet à la fois technique et appliqué, mais aussi intéressant sur le plan fondamental.
Le grand combat que je mène depuis longtemps est aussi celui de l’interdisciplinarité ; et je pense que, depuis quelque temps, nous sommes un exemple en la matière. Nous avons été parmi les premiers à parler du microbiote ou encore d’épigenèse, qui remettent en cause radicalement le réductionnisme biologique. On voit bien qu’il existe une pluralité d’écosystèmes dans notre organisme, qui eux-mêmes sont insérés dans les écosystèmes terrestres. Cette vision écosystémique complexe nous impose ainsi de prendre en compte de nombreux aspects, du biologique au social. Cela rentre de plus en plus dans la nutrition, qui elle-même prend de plus en plus en compte les questions d’écosystèmes et d’environnement. Pour citer le titre de l’un de mes papiers, « la nutrition est une science sociale ». Cela pouvait paraître une idée neuve il y a quelques années, mais j’ai l’impression que cela rentre maintenant de plus en plus dans les esprits.
Programme JABD 2023
Matin : les nouveaux défis des choix alimentaires
au 21e siècle
9 h 00 : Introduction : De la norme au choix – Claude Fischler
9 h 15 : Le concept de « nudge » est-il un bon levier pour inciter à manger mieux ? – Pierre Chandon, Paris
9 h 35 : Comment les choix alimentaires se construisent-ils chez l’enfant ? – Sandrine Monnery-Patris, Dijon
9 h 55 : En quoi les réseaux sociaux influencent nos choix, positivement ou négativement ? – Pascale Ezan, Le Havre
10 h 15 : Session de questions
10 h 35 : Pause
11 h 05 : La littératie en santé : pour agir contre les inégalités sociales en manière d’alimentation – Julia Bardes, Paris
11 h 25 : Reste-t-il une place pour l’éducation thérapeutique en nutrition clinique ? – Frédéric Dadoun, Luxembourg
11 h 45 : Session de questions
12 h 00 : Remise du prix Benjamin Delessert : Détection de nutriments et régulation métabolique – Luc Pénicaud, Toulouse
Après-midi : Prise en charge nutritionnelle
14 h 15 : Présentation des Prix Projets de Recherches 2021 – Guillaume Le Borgne, Pauline Faucher, Carmelo Quarta, Marie-Pierre Moisan
15 h 00 : Nouvelles recommandations nutrition et rhumatismes inflammatoires – Claire Daien, Montpellier
15 h 30 : Effets de la nutrition sur la santé du cerveau – Antoine Garnier-Crussard, Lyon
16 h 00 : Thérapie nutritionnelle de la NASH : le point de vue de l’hépatologue et de la diététicienne – Rodolphe Anty et Delphine Tran, Nice