Des légumes bio et locaux, c’est possible
La loi Egalim aurait dû favoriser l’introduction de légumes bio en restauration collective : en effet, elle oblige les cantines à intégrer 20 % de produits bio en valeur dans ses approvisionnements et à proposer, pour celles distribuant plus de 200 repas par jour, un menu végétarien par semaine, à titre expérimental. Or, toutes les cantines ne sont pas dans les clous et beaucoup de freins restent à lever. « À peine 5 % de nos ventes partent sur ce secteur », déplore Cécile Morvan, coordinatrice de Bio Loire Océan. « Et ce n’est pas pour un problème de disponibilité. » En effet, la commande publique, la saisonnalité des produits, les volumes, les prix, compliquent l’achat de légumes bio. « Les producteurs sont contraints de répondre à des appels d’offres, avec de gros volumes sur un jour précis et sans perspective pour les mois qui suivent », étaye Cécile Morvan. « Ce qui pose des problèmes pour la plupart des légumes, sauf ceux qui se conservent, comme la pomme de terre ou la carotte. »
Des tomates toute l’année
La tomate, un des légumes préférés des plus jeunes, n’est disponible que peu de temps dans l’année scolaire. « Les cantines en veulent tout le temps », poursuit Cécile Morvan. « Or, en France, nous interdisons le chauffage des serres en bio : les producteurs ne peuvent donc livrer de tomates que l’été, pendant les vacances. » Par ailleurs, beaucoup de collectivités demandent de la quatrième gamme, que ne peuvent fournir certains maraîchers. Des cantines se tournent donc vers des grossistes pouvant livrer de gros volumes, loin de l’image du petit producteur bio local. « On trouve beaucoup de bio non local en restauration collective », indique Philippe Enée, formateur à Nourrir l’avenir, du collectif Les pieds dans le plat.
Travailler les recettes
Le défi du bio et local est pourtant possible à relever. « Les plateformes comme Manger bio ou Agrilocal facilitent le lien avec les producteurs au niveau de la commande et de la logistique », explique-t-il.
Des légumeries ont été créées pour assurer la première transformation et certaines petites collectivités passent commande directement aux producteurs. Quant à la saisonnalité, la grande variété de légumes permet d’acheter des produits différents toute l’année, assure Philippe Enée : « Il faut surtout travailler les recettes pour que les plats plaisent aux enfants. La taille des légumes a également un fort impact sur leur goût. Les cuisiniers ne sont pas assez formés en la matière. »
La ville de Lorient, qui sert 3 900 repas par jour, achète des produits bio et locaux depuis plus de vingt ans. Ces achats représentent près de 40 % de l’approvisionnement de la restauration municipale.
La rédaction des cahiers des charges des procédures d’appels d’offres est essentielle. « Nous connaissons parfaitement notre territoire et nos fournisseurs et nous rédigeons finement nos appels d’offres afin qu’ils puissent y répondre, sans les favoriser puisque les règles de la commande publique doivent s’appliquer », explique Carole Vasseur, responsable de la restauration municipale de la ville. Pour les légumes bio, le service travaille avec une entreprise locale, qui les lave et les découpe. Ces légumes, issus en grande majorité de producteurs locaux, sont conditionnés sous vide et livrés à la cuisine Kerlétu pour y être cuisinés.
Le règlement européen a changé
Depuis le 1er janvier 2022, la filière bio s’inscrit dans le cadre d’un nouveau règlement européen. Parmi les évolutions notables, le nouveau texte s’intéresse à l’origine bio des semences et plants. Une date limite est fixée pour les dérogations concernant l’utilisation de matériel génétique non bio : 2036. Le règlement impose également aux agriculteurs bio d’introduire des légumineuses dans les rotations. Du côté des filières animales, la part des aliments produits à la ferme ou a minima au sein de chaque État membre passe de 60 à 70 % pour les bovins, ovins, caprins, équins et cervidés, et de 20 à 30 % pour les porcs et volailles. Pour ces deux dernières filières, la possibilité d’utiliser 5 % d’aliments protéiques non bio est supprimée, sauf pour les jeunes animaux. D’autres mesures visent à augmenter le bien-être des animaux : la coupe de la queue des porcs est interdite, au même titre que la taille des dents et l’ébecquage des volailles, tandis que l’attache des bovins n’est possible que sur les exploitations comptant moins de 50 adultes.
Mieux se comprendre
La réussite d’un partenariat bio et local passe aussi par la compréhension mutuelle des besoins et contraintes. « Nos menus sont élaborés deux mois avant consommation, ajoute Julien Le Guevel, responsable des achats à la cuisine centrale de Lorient. Les commandes prévisionnelles sont passées en amont ; nous nous engageons sur des quantités à l’année et nous contractualisons sur quatre ans afin de donner de la visibilité aux agriculteurs. »
Quid du surgelé ? « Il est pratique lorsque la cantine doit gérer de gros volumes, que le temps manque et que les moyens humains sont limités », indique Philippe Enée. D’aucy Food Service reconnaît que le marché du surgelé est dynamique en restauration collective. « Notre plus grosse vente reste le haricot vert », indique Nathalie Douis, directrice marketing foodservice de Daucy.
La Fédération nationale d’agriculture biologique, Fnab, avance dans son projet de proposer aux agriculteurs français un label plus exigeant que le cahier des charges bio européen. Son nom a été dévoilé le 15 février : « Label Fnab ». Il est articulé autour de trois piliers : commerce équitable, biodiversité, social. L’objectif est d’engager 300 fermes d’ici à la fin 2022, et près de 3 000 d’ici à cinq ans. La Fnab espère que les premières fermes pourront être labellisées en septembre.